30 Octobre 2015

Après la réunion d'information, on commence le job des WhitePages (pages blanches). Le but est de distribuer des annuaires et les poser aux pieds des portes. A première vue ça paraît simple, on a juste à prendre une zone composée de plusieurs maps, faire les maisons sur la map puis revenir. Sauf qu'il y a pas mal de contraintes :

- Les OPT OUT : certaines maisons ne veulent pas recevoir d'annuaire. Elles sont marquées par une étoile verte. Il vaut mieux éviter de leur en donner car si elles se plaignent, on reçoit une pénalité de 100$ !
- Les entreprises/commerces : pour eux, il faut leur donner l'annuaire de main en main. Autant dire qu'il faut y passer lors des heures d'ouverture, ce qui n'arrange pas nos affaires si on veut travailler de nuit, tôt le matin ou le week-end.
- L'entrepôt : il est ouvert du lundi au samedi de 7H à 17H. Il faut donc anticiper le moment où on ira charger à nouveau le van pour ne pas se faire avoir et se retrouver à court d'annuaires. Mais chaque détour à l'entrepôt signifie consommation d'essence et perte de temps. Le timing devient important.

La paye est de 300$ pour 1000 annuaires distribués. On peut se faire beaucoup d'argent. Corentin, qui a fait la session à Sydney a gagné 12 000$ en 8 semaines. Il se fixait 1000 annuaires chacun par jour avec sa team de 4, soit 4000 en une journée. On décide donc de se fixer un barème de 2000 annuaires par jour.

1er jour :

On décide de louer un van, ce qui est plutôt conseiller plutôt que d'utiliser son propre véhicule. On fonce à Europcar. La location du van est de 570$/semaine. Bon, c'est pas donné, tant pis on prend. Sauf qu'on a moins de 25 ans, on doit donc payer un supplément de 30$/jour, ce qui revient en tout ) 790$ la semaine. En prime, ils demandent une caution de 200$. Bref, je vois 990$ sortir de mon compte en l'espace de 10 minutes... sniff
Le contrôle est assez rapide. L'employé prend des photos du van et c'est tout, il est à nous. "Tu as déjà conduit ce genre de véhicule ?" Je réponds oui en pensant que c'était un van classique. Mais non, c'est un van avec des rapports de vitesse automatique, donc pas d'embrayage ! 
Je me retrouve à conduire ce gros engin en plein Brisbane alors que je ne sais même pas comment ça marche ! Belle galère ! Je finis par m'habituer aux commandes après quelques freinages un peu brusque. On va à l'entrepôt charger notre van et on commence notre map, situé à 30 minutes de Brisbane.

Et là, la galère commence. La nuit tombe, on ne voit presque plus rien, on se retrouve comme des cons avec nos lampes frontales à distribuer des annuaires. En plus de ça notre map est difficile car on est située en pleine campagne. Vincent donne les annuaires, moi je roule dans le van et le guide dans les ruelles. La tâche s'avère plus difficile que prévu. En plus il y a une maison tous les 50 mètres et  les 3/4 des propriétés ont un chien donc forcément quand on arrive, il aboi et ça réveille les gens.  On distribue 600 annuaires en 6H. On est au bout du rouleau, déprimés et fatigués. On se couchera à 3H du matin.


2ème jour :

Réveil difficile à 6H du mat. On a pas beaucoup dormi mais il faut attaquer tant qu'il fait jour. En arrivant sur la map, on remarque  une fumée grise qui sort de notre roue arrière. Un problème de frein sans doute. Sur le moment, on n'est pas bien. On s'arrête, on regarde l'état du véhicule et on se dit qu'on va déjà devoir payer des réparations et rentrer en France.
On décide de le laisser refroidir, dégonfler le pneu et rouler lentement, mais on est déjà à bout de nerfs.

14H : on commence à avoir un bon rythme, 600 annuaires en l'espace de 4H, c'est pas si mal. On reçoit alors l'appel de Corentin qui nous dit qu'ils doivent "nettoyer" leur map. Chris, le "field investigator", n'est pas content de leur distribution. Son job est de vérifier que nous faisons bien notre taf. Les annuaires doivent être distribués au pied des portes et non aux boîtes aux lettres.  Le problème c'est que dans certains cas, la maison est 50 mètres plus loin, donc tu perds du temps ! On sera appelé le lendemain pour avoir fait la même erreur. Obligé de retourner sur la map pour remettre bien les annuaires qui n'ont pas été ramassés.. Grr.
Fatigué de notre journée, on est à bout. On a mal aux pattes, nos pieds dont en sang et en plus Vincent à une ampoule qui fait tout son gros orteil.
On termine à 18H, on mange à l'arrache et dodo.

3ème jour :

On commence la journée avec le moral dans les chaussettes. On commence à avoir des doutes sur la rentabilité de ce travail. D'autant plus qu'on a la responsabilité d'un van qui est assez lourd à supporter financièrement, donc pression supplémentaire. On distribue 700 annuaires en 5H. On reçoit un appel de Thierry, un autre field investigator bien plus cool qui nous demande comment ça va. On lui explique qu'on est proche de l'abandon et qu'on ne voit pas les sous arriver. Il comprend la situation et nous conseille de nous accrocher car les maps sont difficiles au début. Plus ça va, plus on se rapproche de la ville, les maisons sont plus collés les unes des autres, il y a plus "d'units" (groupement de boîtes aux lettres) et on distribue plus d'annuaires, donc meilleur paye derrière ! Il nous raconte qu'il a souvent songé à abandonner au début car il était dans le même cas que nous. Mais en s'accrochant, il a finit par gagner des sous. De nouveau motivés, on reprend espoir et on décide de continuer sur notre lancée. Mais là encore, on tombe sur une map difficile. sur les 7H de travail qui restent, on distribue 350 annuaires... Il faut dire que la campagne c'est la galère ! C'est pas trop accessible en van, les maisons sont loin et il y en a une tous les 100 mètres seulement. On rentre vers 1H du mat, épuisés.

4ème jour : 

On se lève, toujours déprimé. On voit une autre team de français composés de deux filles et un mec, qui galèrent comme nous mais veulent s'accrocher car il y a une bonne paye. Emy a travaillé en ferme. Elle sait à quel point c'est dur et nous dit que les conditions de travail sont meilleurs ici car on choisit ses horaires de travail vu qu'on est indépendant. Matthieu, lui, a galéré avant de trouver du travail. Il n'a plus un sous sur son compte et compte bien gagner de l'argent pour refaire la santé de son compte en banque même si il doit ruiner la sienne.
On reste sceptique, on se dit qu'on serait peut-être mieux en ferme mais leurs témoignages nous incitent à continuer.
On fera 1000 annuaires durant cette journée.

5ème jour :

Toujours la même galère pour se lever. On décide de ralentir le rythme et de simplement finir notre zone histoire de rembourser tous les frais (essence, nourriture, location du van, caravan park). On est dégoûté car on fait des grosses journées tout en sachant qu'on gagnera pas grand chose à la fin de la semaine. Aujourd'hui on a 550 annuaires à distribuer. On pensait les faire en 5H, on en mettra 8 finalement. Après cette déception supplémentaire, on prend la décision de finir notre zone afin d'être payé et de s'arrêter là. Cette vie ne nous convient pas. On porte des annuaires toute la journée sous un soleil de plomb atteignant parfois les 38°C ! On ne voit personne, on mange n'importe comment et on dort peu... Autant gagner moins en ferme mais avoir un peu plus de temps pour se reposer. On se fait donc la promesse de ne pas aller plus loin et on repart au caravan park exténués, mais soulagés.

6ème jour :

Après une journée de congé sympathique à Surfer Paradise, on attaque notre 6ème et dernier jour. On est motivé car on sait qu'après ça, l'enfer se termine et qu'on verra le bout du tunnel. On appelle Michelle pour lui annoncer la nouvelle et lui dire que nous avons terminé notre map. On lui explique que ce travail engendre trop de problèmes avec la location du van et qu'on ne s'y retrouve pas financièrement. Elle comprend notre choix et décide de nous payer un peu plus pour les maps qui ont été trop difficiles à nos yeux. Elle nous propose de nous donner une meilleure map mais nous n'avons pas la foie de continuer le job, on préfère partir.
En arrivant à l'entrepôt pour rendre nos affaires, on croise la team de  Matthieu et Emy. Ils semblent déprimés et il y a de quoi... La portière coulissante de leur van s'est carrément déboité ! Ils risquent 5000$ de réparation. Ils sont au fond du trou. Michelle les aide comme elle peut et appelle Europcar pour expliquer que le problème vient du véhicule afin qu'ils n'aient pas à payer les réparations.

En les voyant, on se dit qu'il y a pire que nous ! Surtout qu'ils n'ont rien pour pouvoir assurer les frais. Matthieu en est le parfait exemple. Arrivé avec 8000$, il ne lui reste plus que 20$ sur son compte en banque. Faut dire qu'il n'a pas géré son affaire. En arrivant sur Brisbane, il a dépensé 1500$ pour rester 1 mois dans un hôtel. Il a enchaîné les soirées sur Surfer Paradise en dépensant chaque fois entre 100 et 200$ dans l'alcool. Puis son compte en banque est descendu et il s'est réveillé tardivement, tentant désespérement à chercher du taf. Le job des annuaires pour lui, c'est une 2ème chance. Il ne peut pas se permettre d'arrêter. Il regrette d'ailleurs la manière dont il a fait son voyage. Il aurait préféré voir les merveilles de l'Australie et acheter un van pour sillonner les fermes plutôt que dépenser son argent en soirée. Il envie donc notre situation. Nous, on en tire au moins une leçon : ne pas attendre d'être dans le rouge pour trouver du taf.

On finit par relativiser la situation. Au final, on aura gagné 1500$ à deux en 6 jours de travail. Et on aura rien perdu puisque tous nos frais de départ sont couverts. On est tout de même content d'en finir. Maintenant direction Stanthorpe pour aller trouver du travail dans les fermes !