18 Janvier 2016, nous quittons la ferme de cerise pour rejoindre les fraises à Hillwood, situé à 30 minutes au nord de Launceston. Avant de commencer, nous sommes allés à une réunion afin de remplir nos contrats. La ferme semble réglo. Nous avons même une carte de picker à notre nom !  Pendant 3H, nous allons regarder des vidéos pour connaître les règles de sécurité, savoir picker des fraises, comment trier les fraises bonnes fraises par taille et quelques techniques pour s’organiser. Le briefing est dense et on n’enregistre pas tout. Certaines règles paraissent évidentes (ne pas fumer ou uriner dans les allées). Il y en a même une qui nous montre la bonne position à adopter sur les toilettes car nos amis chinois ont tendance à placer leurs pieds sur la cuvette quand ils sont assis sur le pot. Apparemment cette position permet un meilleur passage des selles. Pourquoi pas, mais ce n’est pas très pratique…                Nous commençons notre journée à 6H00. Nous devons donner notre carte à un superviseur avant de démarrer afin de recevoir des codes bars avec un numéro de picker. Ce numéro servira à reconnaître les trays que nous allons effectuer. Une fois que vous avez vos codes bars, vous prenez un chariot et foncez vers un camion rempli de couvercles, de cartons et de boîtes en plastiques. Le 1er jour on est un peu déstabilisé car c’est la course et chacun prend un maximum de stock pour éviter de revenir en chercher, ce qui fait au’il n’y a plus rien pour les derniers et que vous perdez déjà 20 minutes. Pourquoi tout le monde court ? Parce que nous sommes payés au rendement. Ici, c’est au nombre de trays (cartons) que vous effectuez sachant que vous devez remplir 16 boîtes de fraises de 250 ou 450 grammes pour obtenir une tray. Une fois que vous avez tout ce qu’il vous faut, le superviseur vous dirige dans une row. Les fraises étant sous serre, la ferme est divisée en plusieurs tunnels de 8 rows. Mieux vaut éviter celles sur le côté (1 et 8) car elles sont plus étroites que les autres et ça vous ralentit.                Nous commençons donc à picker nos premières fraises. Le travail n’est pas trop fatiguant car les plants sont disposes sur des tables, ce qui nous évite de nous pencher et ramasser les fruits au sol. Lorsque vous remplissez vos barquettes, vous les posez sur une petite balance. Si le poids est dans la fourchette demandée, vous entendrez un biiip qui signifie que vous pouvez mettre le couvercle et poser votre barquette dans la tray. Les premières heures se passent bien. Je ne vais pas très vite mais j’essaye de me donner au maximum. Le temps passe vite, il est déjà 12H30. Je fais une petite pause pour récupérer et manger mon repas. Je reprends 30 minutes plus tard pour finir à 16H00 avec 10 trays, soit 130 dollars. Ce n’est pas top mais pour une première journée, on s’en contentera. Nous sommes actuellement une centaine de pickers. Il y a beaucoup d’asiatiques du Japon, de Taïwan, de la Chine ou encore Hong Kong et Singapour. Je vois également des pickers des îles Tonga ! Je me demande bien pourquoi ils ont quitté leur petit coin de paradis perdu dans le pacifique pour venir ici. Certains d’entre eux étaient déjà là l’année dernière. En vérité, les tongiens sont très pauvres. La plupart d’entre eux sont au chomâge. Le boss de la ferme étant satisfait de leur travail l’année précédente, il leur a proposé de leur avancer le billet d’avion pour venir travailler ici toute la saison, de noviembre jusqu’en mai. C’est un beau geste de sa part car les tongiens n’ont pas assez de sous pour se payer un billet d’avion. Ils envoient d’ailleurs tout leur argent à leurs familles et dépensent le reste dans l’alcool. Charles, un français qui vit avec eux depuis plusieurs semaines, m’explique qu’ils se saoulent tous les soirs et veillent jusqu’à pas d’heure. Malgré 3H de sommeil par nuit, ils sont toujours souriants et plein d’énergie. On se demande comment ils font pour être heureux dans un travail aussi répétitif. Ils ont besoin de peu. Le seul inconvénient, c’est qu’ils doivent rester ici 7 mois. Ils ont parfois un coup de blues à cause de la routine et l’éloignement avec leurs proches et leurs terres natales. J’ai beaucoup appris sur ce peuple et ce fut très intéressant d’échanger avec eux. Enfin, il y a biensûr… des français ! Ils sont partout en Tasmanie donc je ne m’étonne même plus, c’est plutôt redondant. Il est temps de rentrer au campement. La saison des cerises n’étant pas terminé, nous pouvons encore profiter du site pendant quelques jours avant de trouver un autre endroit où dormir. On raconte notre journée aux autres pickers. Ils semblent intéressés pour nous rejoindre plus tard mais ils souhaitent d’abord finir la saison des cerises. Les jours vont s’enchaîner rapidement dans les fraises. Nous faisons des journées entre 8 et 11H. Mon rendement s’améliore peu à peu. Le salaire n’est  pas aussi bien que je l’espérais. Je gagne environ 140$ par jour. Théo est bien plus rapide que moi. Ce picking commence à lui plaire. Il fait des bons scores. Il arrive même à atteindre 200$ quand les fruits sont nombreux. Pour ma part, j’ai du mal à m’habituer au rythme. Je mange peu le midi, je ne fais plus de pauses. Mon organisme a du mal à s’y faire et me joue un vilain tour en me causant des maux de têtes. Je suis contraint de me ménager et de dormir plus souvent, ce qui me laisse peu de temps libre. Néanmoins, je finis par m’en remettre. Voulant faire un maximum d’économies, on décide de travailler 7 jours sur 7. On a l’énergie nécessaire pour le moment, on verra sur la durée. Après une première semaine difficile, je réalise 950$ pour 7 jours de travail. Nous attaquons la 2ème semaine. Je suis motivé pour battre mon record maintenant que je commence à avoir la technique. La semaine commence bien mais le mauvais temps en fin de semaine va me stopper dans ma lancée. Je finis par gagner 968$, soit 18$ que la semaine dernière. Peut mieux faire ! Entre temps, nous avons quitté la ferme de cerises où nous pouvions dormer encore quelques jours. Deux solutions s’offrent à nous :
  • Aller dans l’accomodation que propose la ferme pour 180$/semaine : c’est cher mais la nourriture est incluse et le confort est optimal. C’est un ancien collège où dormait les internes. Chaque picker a sa propre chambre. Pas besoin de cuisiner, il y a un self sur place. Pour vous divertir, il y a des tables de ping-pong, un billard, une télé, un terrain de volley et un terrain de foot. L’avantage, c’est que tu vois des gens de toute nationalité et tu as juste à mettre les pieds sous la table en rentrant.
  • Trouver un endroit près de la ferme où on peut dormir gratuitement : il y a une place appelé “Egg Island” à 2 minutes de la ferme. L’endroit est sympa, on est le long de la rivière dans la nature, c’est calme… mais il n’y a RIEN ! Pas d’eau, pas de toilettes, pas de BBQ. Le seul avantage, c’est qu’on économise de l’argent.
Théo choisit l’option numéro 2. Il n’a pas besoin de beaucoup de confort et veut rester près du lieu de travail. Pour ma part j’étais plus tenté par l’accomodation. L’idée de ne pas cuisiner et de rencontrer des gens me plaisait beaucoup. Je décide de suivre Théo malgré cela. Si jamais je ne me plais pas à Egg Island, je sais ce qu’il me reste à faire. Finalement je finis par me sentir bien là-bas, d’autant plus que nous avons trouvé un moyen pour avoir de l’eau et de l’électricité. Il y a en effet un stade à 300 mètres avec des toilettes et une sortie d’eau. Pour le courant, nous avons déniché une prise électrique située derrière une caserne de pompiers. Ce n’est pas le grand luxe mais c’est largement suffisant pour les aventuriers que nous sommes. Ce qui m’a surprise à Egg Island, c’est que nous n’étions jamais seul. Chaque soir, d’autres voyageurs venaient s’installer. Cela nous a permis de faire des rencontres intéressantes, notamment 2 jeunes australiens passionnés d’escalade qui nous ont invité lors d’une session. On a pu grimper un rampart de 10 mètres de haut. J’ai également revu une connaissance avec qui j’avais passé le Nouvel An. Le monde est petit…                Nous entamons notre 3ème semaine dans les fraises. Les journées se ressemblent et le temps passe vite. Je me fixe l’objectif de dépasser 1000$ cette semaine. Je commence très bien ma semaine avec 4 grosses journées mais encore une fois, la fin de semaine reserve son lot de surprises. De grosses averses s’abattent sur la Tasmanie. En plus de cela, il y a de plus en plus de nouveaux pickers alors que les fraises se font plus rares, ce qui raccourcit considérablement les journées de travail. On finit deux fois avant 12H00. Pour moi, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Hors de question de rester dans ces conditions. Cela tombe bien car Théo souhaite aussi faire un break. Parfait ! On quitte la ferme sans prévenir. Il est temps de découvrir la Tasmanie !